mardi 15 avril 2008

Jüdisches Museum: Between the lines of Libeskind

Architecture coup de poing de Daniel Libeskind pour le Musée Juif de Berlin qui a ouvert ses portes en 2001. Il se compose de deux bâtiments bien distincts: un ancien de l'époque Baroque et un nouveau dessiné par l'architecte, qui a orienté son propos autour de la notion de vide. En effet, le projet porte le nom de "Between the lines", matière à réflexion sur les dissensions inhérentes à l'histoire germano-juive, évoquée par les deux grandes lignes architecturale et le vide laissé entre elles. Il s'opère alors un jeu de tension entre les lignes droites ou en forme d'éclair, et les interfaces vides ("voids"), symbole à la fois de l'absence de traces laissées par le peuple juif dans le Berlin d'aujourd'hui et du trou béant résultant de l'Holocauste. 

Ce bunker de plus de 3000 m2 retraçant l'histoire du peuple juif en Allemagne, ne peut laisser indifférent quant aux sensations éprouvées au cours de sa déambulation. De l'extérieur, ce gigantesque édifice s'impose dans le paysage urbain par son côté  forteresse de zinc inviolable. Les faibles ouvertures, plus proches de la meurtrière que de la fenêtre, ressemblent à des entailles faites dans la chair du bâtiment. Et ce n'est que la partie émergée de cet iceberg aux formes géométriques déstructurées. 

La visite de l'exposition permanente vous plonge dès votre arrivée dans un univers oppressant et une atmosphère de plomb. En effet, en guise de "mise en condition" à ces longs siècles d'histoire qui relient le moyen-âge à nos jours, un parcours architectural initiatique guide le visiteur. Creusés sous terre, trois "axes" s'offrent à vous et acheminent vos pas vers trois "issues" possibles de l'histoire. Si vous prenez à droite, cette voie vous mène à une terrible impasse: la Tour de l'Holocauste. Au bout du long couloir en ardoise, dont le sol est légèrement en pente, se trouve un "cachot" bétonné protégé par une lourde porte. Quand elle se referme, c'est le silence quasi intégral. On entend à peine au loin les bruits étouffés de la rue et le brouhaha des enfants de l'école toute proche. Prisonnier au coeur de ce quadrilatère irrégulier aux murs froids (la pièce n'est pas chauffée) d'une hauteur de 24m, seule une très faible lumière zénithale se dégage. C'est l'oppression, la peur de l'enfermement, l'impression d'être pris au piège et d'être destiné à une fin tragique. La suite du parcours est tout aussi "grave". 

Le deuxième axe mène au Jardin des exilés. Perte des repères, désorientation, nausée, angoisse... les 49 colonnes, alignées dans ce petit espace carré au sol caillouteux incliné de 12°, ne laissent pas de marbre. Déséquilibré, on se cogne au béton glacé. Bien qu'en plein-air, le manque d'oxygène se fait sentir. Remplie de terre, le sommet de ces stèles pointant vers le ciel se termine par des oliviers. Symbole d'une lueur d'espoir et d'une vie nouvelle pour les 280.000 exilés loin de leur patrie? 

Enfin le dernier couloir, "l'axe de la continuité", débouche sur un grand escalier, dont les marches interminables mènent en leur point le plus haut à un mur, comme si elles pouvaient continuer leur tracé éternellement dans l'espace. On remonte ainsi à la surface et la visite de l'exposition permanente peut alors commencer. S'en suit un long parcours sur deux niveaux, retraçant par le biais d'une muséographie assez ludique - qui contraste vraiment avec l'aspect du bâtiment - la vie des juifs germanophones au cours des siècles. 

Libeskind, cet enfant de famille déportée, n'en reste pas avec le musée de Berlin à son seul musée commémoratif de l'histoire juive. Il est également entre autre l'auteur du Danish Jewish Museum (2004) et en construit un nouveau à San Francisco. Ces réalisations révèlent le suivi d'une ligne à la même esthétique, servant la dureté du propos, comme en témoigne aussi par exemple l'Impérial War Museum de Manchester. 
(Toutes les photos des travaux de Daniel Libeskind en cliquant sur le titre lien)

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